La crise sanitaire bouleverse l'organisation et les prévisions d'activité de nombre d'entreprises. Lorsqu'un CDD a été conclu avant le confinement, l'employeur peut-il se prévaloir d’un cas de force majeure pour le rompre de façon anticipée ?
La force majeure, motif de rupture anticipée de CDD
Parmi les motifs de rupture anticipée du CDD prévus par le Code du travail figure la force majeure. Cette dernière se définit comme un élément extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution. Par ailleurs, elle prive le salarié de l’indemnité de fin de contrat.
Toutefois, la force majeure est très rarement admise par les juges comme motif de rupture du contrat de travail.
Par exemple, la Cour d’Appel de Nancy n’a pas retenu comme un cas de force majeure l’épidémie de Dengue qui a touché la Martinique en 2007. Plusieurs arguments ont été avancés par la Cour pour écarter cette qualification : selon elle, l’épidémie n’était pas imprévisible « en raison du caractère endémo-épidémique de cette maladie dans cette région » et n’était pas irrésistible compte tenu de « l’existence de moyens de prévention ».
De la même façon, le virus Chikungunya aux Antilles n’a pas été qualifié de cas de force majeure par la Cour d’Appel de Basse Terre.
L'épidémie au covid-19 est-elle un cas de force majeure ?
Il existe donc des incertitudes si l’employeur retient cette qualification pour rompre un CDD de façon anticipée.
Toutefois, les entreprises visées par les arrêtés de fermeture pourraient-elles invoquer le "fait du prince", assimilable à un cas de force majeure ?
Le fait du prince s'entend de tout acte de la puissance publique qui vient rendre impossible, pour l'un ou l'autre des contractants, l'exécution du contrat de travail. Peuvent notamment constituer des cas de force majeure par fait du prince une modification législative ou réglementaire, le retrait d'une autorisation administrative d'exercice d'une profession.
Cette interprétation n’est pas complètement à exclure mais la réponse reste incertaine. Dans tous les cas, il appartiendra aux juges de trancher cette question en cas de litige.
Si l’employeur fait le choix de rompre le CDD pour force majeure et que cette qualification n’est pas retenue par les juges, le salarié pourra prétendre à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, ainsi qu’à l’indemnité de fin de contrat.
Dans tous les cas, il semble préférable de privilégier une demande d’activité partielle pour ces salariés.
Sources légales
Article L.1243-1 du Code du travail
CA Nancy, 22 novembre 2010, RG n°09/00003.
CA Basse-terre, 17 décembre 2018, RG n° 17/00739
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