Emploi de travailleurs étrangers: les modifications intervenues depuis le 1er avril 2021 concernant les autorisations de travail.
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Quelles sont les modalités de demande et de délivrance des autorisations de travail depuis le 1er avril 2021?
Pour répondre à cette interrogation, il convient d'examiner tout d'abord la procédure de demande d'autorisation de travail initiée par cette réforme (I). Évoquer ensuite les nouveaux critères mis en place pour permettre à la préfecture d'instruire une telle demande (II). Rappeler enfin les obligations auxquelles sont soumises les entreprises pour s'assurer de la validité de l'autorisation de travail présentée par le postulant à un emploi (III).
I- Précisions concernant la procédure de demande d'une autorisation de travail
La procédure de demande d'autorisation de travail a fait l'objet des modifications ci-dessous.
- L'auteur de la demande d'autorisation de travail est clairement identifié
La demande d'autorisation de travail est en principe faite par l'employeur ou sinon par une personne habilitée ayant reçu un mandat écrit de l'employeur ou de l'entreprise.
Toutefois, si elle concerne un salarié détaché temporairement par une entreprise située hors de France, elle est faite par le donneur d'ordre établi en France, lorsque cette opération intervient dans le cadre d'un contrat de prestation de service ou d'une mobilité intragroupe.
Par ailleurs, lorsque le salarié est détaché temporairement en France par une entreprise de travail temporaire non établie sur ce territoire, elle est faite par l'entreprise utilisatrice (article R. 5221-1 du Code du travail).
- Une autorisation de travail est nécessaire pour tout nouveau contrat de travail
Le dernier alinéa de l'article R. 5221-1 du Code du travail énonce que tout nouveau contrat de travail fait l'objet d'une demande d'autorisation de travail.
Il ne fait aucun doute que cette nouvelle disposition s'applique dans l'hypothèse où le ressortissant étranger change d'employeur.
Par contre, une incertitude demeure lorsque l'intéressé bénéficie d'une succession de contrats de travail chez le même employeur. Des précisions en la matière seraient les bienvenues de la part du législateur ou de l'administration. Dans l'attente, mieux vaut par précaution accomplir les formalités de demande d'autorisation de travail.
- La demande d'autorisation de travail se fait désormais obligatoirement en ligne
Depuis le 6 avril 2021, toute demande d'autorisation de travail est adressée au préfet territorialement compétent (article R. 5221-16 du Code du travail).
Celle-ci est obligatoirement formulée sur un site dédié (administration-etrangers-en-france.interieur.gouv.fr.). En effet, dans un souci de simplification et de modernisation de cette procédure, l'auteur de la demande n'a plus à se déplacer (article R. 5221-15 du Code du travail).
D'après "le communiqué de presse autorisation de travail en ligne", en cas de difficulté, il est possible de bénéficier de l'appui du Centre de contact citoyen joignable au 08 06 001 62 06 20 (appel gratuit depuis un poste fixe) ou via le formulaire de contact du portail.
Une fois la procédure en ligne effectuée, le demandeur reçoit une confirmation de dépôt.
Lorsque la demande d'autorisation de travail est acceptée par la préfecture, elle est notifiée à l'intéressé ainsi qu'au travailleur étranger. Ils reçoivent de manière dématérialisée une autorisation de travail sécurisée (article R. 52221-17 du Code du travail)
La demande de titre de séjour professionnel comprenant cette autorisation de travail sécurisée, peut ensuite être transmise à la préfecture (si le futur collaborateur réside en France) ou au consulat en vue d'une demande de visa (s'il réside à l'étranger).
- La liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'autorisation de travail est redéfinie
En application de l'article R. 5221-12 du Code du travail, l'arrêté du 1er avril 2021 fixe la liste des pièces justificatives.
Celle-ci diffère en fonction de l'un des motifs évoqués ci-dessous:
- La procédure d'introduction en vue du recrutement d'un ressortissant étranger dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ou indéterminée, en dehors des cas de détachement (article 1er);
- Le recrutement par une entreprise étrangère (y compris une entreprise de travail temporaire) d'un ressortissant étranger en vue de son détachement en France (article 2) ainsi que pour le renouvellement de cette autorisation de travail (article 4);
- L'embauche (en CDD ou CDI) d'un ressortissant étranger résidant régulièrement en France (article 3);
- La procédure d'introduction en vue du recrutement d'un ressortissant étranger dans le cadre d'un emploi à caractère saisonnier ou pour le bénéfice d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " (article 5);
- L'embauche d'un ressortissant étranger bénéficiant d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " ou " étudiant programme de mobilité ", n'ayant pas achevé son cursus au moment de la demande et dépassant la durée de travail autorisée par son titre (soit 964 heures) du fait de l'activité salariée envisagée (article 6);
- Le recrutement d'un ressortissant étranger demandeur d'asile en France (article 4).
Il est à noter que la liste des pièces à joindre aux demandes relatives aux cartes de séjour pluriannuelles "passeport-talent" et "salarié détaché ICT" sont mentionnées dans l'arrêté du 28 octobre 2016. En effet, aucune modification n'est intervenue concernant ces titres.
- Les délais de renouvellement de l'autorisation de travail sont modifiés
Avant cette réforme, le renouvellement d'une autorisation de travail devait être sollicité dans le courant des 2 mois précédant son expiration. Désormais, celle-ci a lieu dans le courant du deuxième mois précédant son expiration.
Aucune indication n'est apportée sur les conséquences d'une demande de renouvellement tardive car intervenant dans le courant du dernier mois précédant l'expiration de l'autorisation de travail. Il est très probable que cela n'occasionne pas systématiquement un refus de renouvellement de la part de la préfecture. Celle-ci bénéficie effectivement d'un pouvoir d'appréciation en la matière et pourrait accepter une telle demande si le retard observé est justifié par l'existence d'un motif légitime.
II- Réécriture des critères servant à l'instruction d'une demande d'autorisation de travail par la préfecture
La préfecture s'appuie sur des critères précis avant de délivrer une autorisation de travail.
Ceux-ci ont évolué depuis le 1er avril 2021 (article R. 5221-20 du Code du travail) et portent sur les points suivants:
- La vérification de la situation de l'emploi
L'examen de la situation de l'emploi par la préfecture peut conduire à l'un des deux constats suivants:
* Soit la situation de l'emploi est opposable.
Cela signifie que le poste pour lequel postule le candidat de nationalité étrangère peut être pourvu par un demandeur d'emploi en France car il ne s'agit pas d'un métier pour lequel il existe des difficultés de recrutement.
La demande d'autorisation de travail est alors soumise au pouvoir d'appréciation de la préfecture (selon les modalités décrites ci-après).
L'employeur ne peut cependant pas déposer sa demande d'autorisation tant qu'il n'a pas préalablement publié une offre d'emploi pendant 3 semaines auprès du service public de l'emploi et tant que celle-ci n'est pas pourvue dans ce délai.
Avant cette réforme, aucun délai n'était expressément prévu par les textes. Il était néanmoins observé que les entreprises déposaient leurs offres d'emploi pendant une période de 3 à 5 semaines.
* Soit la situation de l'emploi est inopposable.
L'employeur est alors dispensé de publier une offre d'emploi. Il peut donc directement déposer une demande d'autorisation de travail sur le site dédié à cet effet.
Cela se rencontre dans deux circonstances:
- D'une part, lorsque le poste proposé au futur collaborateur relève de la liste, définie par région, des métiers en tension ( arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse).
- Et d'autre part, lorsque le salarié détient un titre de séjour qui justifie de plein droit que la situation de l'emploi lui soit inopposable (article R. 5221-21 du Code du travail). Il en est ainsi lorsque:
L'étranger est titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention “ recherche d'emploi ou création d'entreprise ” et que le poste sur lequel il postule est en relation avec sa formation ou ses recherches.De plus, la rémunération proposée doit être supérieure à 1,5 fois le SMIC mensuel.
L'étranger est originaire d'un pays ayant conclu un accord de flux migratoire avec la France,
L'étudiant est titulaire d'un diplôme de niveau master ou équivalent obtenu dans l'année, justifie d'un contrat de travail en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à 1,5 fois le smic mensuel.
L'autorisation de travail est demandée en vue de la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou d'un contrat de professionnalisation avec un mineur étranger qui est pris en charge par l'aide sociale à l'enfance.
Le ressortissant étranger âgé entre 16 et 18 ans est pris en charge par l'aide sociale à l'enfance dès lors qu'il peut prétendre à une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire.
- L'application de la législation sociale par l'entreprise
Trois points sont à ce titre vérifiés par la préfecture:
- Le respect par l'entreprise de ses obligations déclaratives sociales liées à son statut ou à son activité;
- L'absence de condamnation pénale pour travail dissimulé ou pour méconnaissance des règles en matière de santé et sécurité. Par ailleurs, l'administration ne doit pas avoir constaté un manquement grave en ces matières;
- L'absence de sanction administrative prononcée pour non respect des règles de détachement d'un salarié par une entreprise établie hors de France ou pour travail illégal.
- Le respect de la réglementation relative à l'activité exercée
Cette obligation s'impose à l'employeur, l'utilisateur ou l'entreprise d'accueil ainsi qu'au salarié.
Le niveau de rémunération doit être au moins égale au SMIC ou au minima conventionnel applicable à l'employeur ou dans l'entreprise d'accueil.
Si la demande concerne un étudiant, l'emploi proposé doit être en adéquation avec les diplômes et avec l'expérience acquise en France et/ou à l'étranger. Cela s'applique aussi bien lorsqu'une procédure de changement de statut est effectuée par un étudiant à l'issue de son cursus en France ou lorsqu'il est titulaire de la carte de séjour portant la mention “recherche d'emploi ou création d'entreprise”.
III- Obligation pour l'entreprise de s'assurer de la validité de l'autorisation de travail
Préalablement à l'embauche d'un ressortissant étranger, l'entreprise est tenu de contrôler que ce dernier détient un titre de travail valide. Une procédure spécifique doit pour cela être initiée auprès de la préfecture territorialement compétente. Celle-ci diffère selon que la personne recrutée a le statut de salarié ou d'étudiant.
- Pour l'embauche d'un salarié: l'authentification du titre de séjour
Le législateur impose à l'employeur de vérifier que l'étranger est en situation régulière au regard du séjour. A cette fin, l'employeur saisit le préfet du département dans lequel l'établissement employeur a son siège ou le particulier employeur sa résidence (articles L. 5221-8 et R.5221-41 du Code du travail) et ce, au moins deux jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche.
Un arrêté à paraître doit préciser les modalités de mise en œuvre de cette procédure.
L'employeur est toutefois dispensé de cette obligation lorsque l'étranger lui présente un justificatif d'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi délivré par Pôle emploi (article R. 5221-43 du Code du travail).
Le préfet notifie ensuite sa réponse à l'employeur par courrier ou courrier électronique dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de la demande. A défaut de réponse dans ce délai, l'obligation de l'employeur de s'assurer de l'existence de l'autorisation de travail est réputée accomplie (article R. 5221-42 du Code du travail).
- Pour l'embauche d'un étudiant: la déclaration nominative préalable
Au moins deux jours ouvrables avant l'embauche d'un collaborateur titulaire d'un titre de séjour portant la mention "étudiant'', l'employeur adresse au préfet et ce, par tout moyen conférant date certaine, une déclaration nominative préalable (article R. 5221-27 du Code du travail).
Un arrêté, non paru à ce jour, doit fixer les modalités pratiques de cette déclaration (article R. 5221-28 du Code du travail).
A défaut de réponse du préfet dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de cette déclaration nominative préalable, cette formalité vaut accomplissement de la vérification de l'existence des autorisations de travail telle que décrite au paragraphe précédent (article R. 5221-45 du Code du travail).
Sources:
- Décret n°2021-360 du 31 mars 2021 relatif à l'emploi d'un salarié étranger;
- Arrêté du 1er avril 2021 fixant la liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'autorisation de travail;
Arrêté du 1er avril 2021 fixant la liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'autorisation de travail;
- Arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse;
- Communiqué de presse du 30 mars 2021 "Ouverture d'un site de demande en ligne des autorisations de travail pour le recrutement de salariés étrangers" (https://www.interieur.gouv.fr/Actualites/Communiques/Ouverture-d-un-service-de-demande-en-ligne-des-autorisations-de-travail-pour-le-recrutement-de-salaries-etrangers).