Nouveau phénomène mis en avant sur le réseau social Tik Tok, le “quiet quitting”, ou “démission silencieuse” en français, a fait l'objet de nombreux articles dans la presse. Il consiste à se limiter strictement aux tâches figurant dans sa fiche de poste. “Ni plus ni moins”. Il ressort d'un sondage sur l'Irlande que le phénomène commence de plus en plus à toucher l'Europe. Toutefois, à ce jour, aucune étude ne démontre son développement en France.
A l'heure où les consciences s'éveillent sur la nécessité de distinguer son statut d'individu de celui de salarié, l'effet “quiet quitting” semble prendre de l'ampleur. Faut-il pour autant s'en inquiéter?
Désengagement ou recherche équilibre vie privé/vie professionnelle ?
Plusieurs facteurs peuvent être à l'origine de ce nouveau phénomène.Tout d'abord, comme le brown out ou la grande démission, le “quiet quitting” a été mis en lumière postérieurement à la crise Covid-19. Cette crise a bousculé les mentalités, en remettant notamment en perspective la valeur du travail. A l'heure actuelle, la recherche de sens et de l'équilibre vie privée/vie professionnelle est devenue l'une des priorités pour un grand nombre de salariés. Selon une enquête de l'Observatoire société et consommation (Obsoco) publiée le 21 mars 2022, 40% des actifs se prononcent pour du temps de travail moindre . 40% sont même prêts à une baisse de leur salaire. On note également, que dans un contexte de tension économique, l'engagement des salariés dans leur travail est au plus bas. Selon une étude récente du cabinet Gallup , seul 6% des salariés français sont pleinement engagés dans les entreprises.Le quiet quitting peut aussi être une réponse à une surcharge mentale que certains salariés peuvent ressentir. Dans une étude Ifop-Mooncard , 92% des cadres reconnaissent penser à leur travail pendant leur loisir, le soir ou le week-end. Selon les analystes du cabinet Gallup , les managers seraient en grande partie responsables de cette situation. Distants et exigeants, ils auraient tendance à surcharger les équipes et ne seraient pas assez clairs dans les objectifs. Le quiet quitting peut donc être la résultante de plusieurs facteurs tels que le manque de reconnaissance, l'épuisement professionnel et/ou tout simplement, le besoin de se préserver.
Un phénomène à prendre avec recul
Dans un contexte où la nouvelle génération bouleverse les codes du monde du travail, le quiet quitting reste un phénomène viral qu'il faut prendre avec recul. Lorsque l'on reprend les exemples cités sur les vidéos TikTok, les salariés précisent “lever le pied” en respectant à la minute leurs horaires de travail, en refusant de répondre aux sollicitations en dehors de leur activité professionnelle ou en ne se donnant plus la peine d'aider un collègue. Or, précisons que ce phénomène vient à l'origine des Etats-unis. En France, nous n'avons pas la même culture du travail, ni la même législation. L'employeur doit veiller au respect des durées maximales du travail et des temps de repos hebdomadaires ou journaliers. De son côté, le salarié ne peut pas toujours refuser d'exécuter des heures supplémentaires. Rappelons également que, ces dernières années, des accents ont été ajoutés dans le code du travail autour du droit à la déconnexion ou du respect de l'équilibre vie privée/vie professionnelle. Toutefois, ce phénomène n'est pas non plus à ignorer. Un salarié qui ne s'investit plus dans les projets, qui n'est plus force de proposition, qui n'émet plus aucun souhait de formation, peut être un signe de désintérêt, de perte de sens de son travail et doit alerter sa direction. Il faut donc faire la différence entre le salarié qui se contente d'exécuter strictement son contrat de travail conformément au code du travail et pour lequel aucun reproche ne peut lui être fait et les signes d'un éventuel désengagement du salarié qui pourrait se traduire à terme par de l'absentéisme
Comment faire face à un quiet quitter ?
Dans un premier temps, il est nécessaire d'en comprendre la cause : manque de considération ou recherche d'un meilleur équilibre vie privé/vie professionnelle ? Ensuite, plusieurs solutions peuvent être envisagées comme inciter les collaborateurs à communiquer, proposer des temps d'échange, d'écoute et/ou des solutions. Il peut être également intéressant de former les RH au management des jeunes générations qui n'acceptent plus de travailler sous n'importe quelles conditions et qui tendent vers le “job hopping” consistant à changer d'entreprise et de poste plus régulièrement.
Conclusion
Le quiet quitting peut être vu comme une simple tendance qui découle du besoin actuel de mettre un mot sur chaque comportement. En effet, est-ce anormal qu'un salarié exécute son contrat de travail à la lettre? Néanmoins, il s'inscrit dans la continuité de mouvement tel que la grande démission. Les mentalités changent et notre rapport au travail aussi. Il est donc nécessaire de rester vigilant à cette “nouvelle philosophie”, d'une part, pour éviter un désengagement massif et, d'autre part, afin d'éviter de pousser les managers au “quiet firing” ou “licenciement sans bruit
Sondage du cabinet Robert Walters sur l'Irlande, ”En Irlande, les salariés sont de plus en plus désengagés” Info Social RH
Enquête de l'Observatoire société et consommation (Obsoco) sur les utopies réalistes publiée le 21 mars 2022. “Près de 4 actifs sur 10 aspirent à moins travailler” Info Social RH
https://www.gallup.com/workplace/349484/state-of-the-global-workplace-2022-report.aspx#ite-393251
“Charge mentale: 92% des cadres pensent au travail après les heures de bureau” Actuel RH 24/06/2021
“Aux Etats-Unis, le quiet quitting toucherait la moitié des salariés” Info Social RH 13 septembre 2022
Comme le souligne une éditorialiste du Financial Times “Si votre personnel se présente tous les jours et fait exactement ce que vous lui demandez, il ne 'démissionne pas tranquillement', il 'travaille”