Solde de congés payés non pris : les différentes options et leur gestion en paye
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Interdiction de régler les CP non pris
Le Code du travail n'envisage le paiement des congés que lorsqu'ils sont pris par le salarié ou que le contrat est rompu, sous forme d'indemnité compensatrice. L'employeur doit garantir au salarié une période de repos. Il en résulte une interdiction de cumuler un salaire avec une indemnité de congés payés (Cass. soc. 10 juin 1997, n° 94-42388).
En tout état de cause, l'employeur ne peut pas remplacer la prise effective des CP par une indemnité compensatrice (Cass. soc, 13 juin 2012, n° 11-10929).
Le salarié ne peut pas non plus l'exiger, sauf s'il n'a pas pu prendre ses CP du fait de l'employeur (Cass. soc, 10 février 1998, n° 95-42334).
Perte des CP non pris ?
Sauf en cas de maladie, maternité et accident du travail, si le salarié a été mis en demeure par l'employeur de prendre ses CP avant l'expiration de la période de prise et que cette impossibilité ne résulte pas du fait de l'employeur, le salarié perd le bénéfice de ses congés payés, sous réserve de dispositions conventionnelles plus favorables (Cass. soc, 7 avril 2009, n° 07-45525). L'employeur devra prouver qu'il a tout mis en œuvre pour que le salarié prenne ses congés (Cass. soc, 21 septembre 2017, n° 16-18.898).
Ce principe trouve tout particulièrement à s'appliquer cette année. En effet, bon nombre d'entreprises qui ont eu recours à l'activité partielle se retrouvent, en fin de période de prise, avec des compteurs élevés de CP non pris.
Pour rappel, rien n'interdit à un salarié de prendre des congés payés pendant une période d'activité partielle.
Des mesures exceptionnelles ont été prises durant la période de crise sanitaire liée au Covid-19 pour encourager la prise des congés payés : un accord d'entreprise ou, à défaut, de branche peut permettre aux employeurs d'imposer jusqu'à 6 jours de congés payés acquis, y compris par anticipation, en respectant un délai de prévenance d'au moins un jour franc. Ce plafond a été porté à 8 jours jusqu'au 30 septembre 2021. L'accord peut également prévoir la possibilité de fractionner le congé sans l'accord du salarié.
Report sur la période suivante : un droit … ou une faculté
Les congés payés qui n'ont pas pu être pris au cours de l'année en raison d'absences liées à la maladie, accident du travail ou maladie professionnelle ou encore de maternité, sont reportés au retour du salarié.
Les modalités du report ne sont pas précisées par la législation sociale en vigueur. En effet, aucune disposition législative ou réglementaire ne fixe une période de report des congés payés.
Selon le juge européen, la période de report peut être limitée dans le temps.
La durée de ce report doit être supérieure à celle de la période de référence pour laquelle il est accordé. Par exemple, il peut s'agir d'une période de report de 15 mois (CJUE 22 novembre 2011, aff. C-214/10), mais pas de 9 mois (CJUE 3 mai 2012, aff. C-337/10).
La fixation de cette durée devrait résulter d'un accord collectif (convention collective appli-cable ou accord d'entreprise) et devrait être comprise entre 13 mois et 3 ans (délai de prescription).
Attention : si aucune disposition conventionnelle ne prévoit une limitation dans le temps, le juge ne pourra, de lui-même, fixer une limitation ou l'employeur de droit privé se prévaloir directement de la directive européenne.
En dehors de ce contexte, le report des congés non pris sur la période suivante n'est pas un droit mais une opportunité laissée à l'employeur en accord avec le salarié. Dans ce cas, il conviendra de faire basculer le reliquat de CP non pris sur la période suivante de prise de CP.
Par ailleurs, pour éviter que cette option devienne un usage, une formalisation écrite parait opportune afin de mettre l'accent sur son caractère exceptionnel.
Affectation des CP non pris sur le CET ou le PERE-CO ?
La loi prévoit que le reliquat de CP non pris puisse être affecté sur un compte épargne-temps (CET) ou à défaut, sur le plan d'épargne de retraite complémentaire (PERE-CO) (Art. L3151-2 C. trav. et L. 224-2 et L.224-20 C. Mon. et fin.).
Les salariés peuvent donc stocker, dans le CET ou dans le PERE-CO, des jours de CP non pris mais uniquement pour la fraction acquise au-delà de 24 jours ouvrables.
Dans la pratique, il s'agira de la 5ème semaine de CP et des éventuels jours supplémentaires de fractionnement ou d'ancienneté.
Quelle valorisation des jours de CP stockés ?
- Pour le CET :
Seuls les droits à CP excédant le minimum légal de 5 semaines peuvent être utilisés sous forme de complément de rémunération (Art L 3151- 3 C. trav).
Ainsi, les jours stockés sur le CET au titre de la 5ème semaine ne peuvent être utilisés sous forme de complément de rémunération. Ils devront obligatoirement être pris pour indemniser des temps non travaillés (congé sabbatique, congé sans solde, congé création d'entreprise...).
Sauf dispositions contraires, l'indemnisation du congé pris doit être calculée sur la base du salaire journalier perçu par le salarié à la date de son départ en congé. En revanche, rien n'empêche de convertir en argent les jours de CP stockés au-delà des 5 semaines obligatoires. Dans ce cas, les modalités de calcul de ce complément de salaire sont fixées dans l'accord CET. A défaut, il convient de monétiser les CP affectés sur le CET sur la base de la valeur de la journée de repos au moment de la liquidation (Circ DRT n°2008-20 du 13 novembre 2008).
Ainsi, les CP ne sont donc pas valorisés lors de leur affectation sur le CET mais au moment de leur déblocage du CET, qu'il s'agisse d'un complément de rémunération ou pour financer un congé.
- Pour le PERE-CO :
Dans les entreprises où il n'y a pas de CET, les salariés peuvent verser les sommes correspondant à un maximum de 5 jours par an de CP non pris sur un PERE-CO selon les mêmes règles que celles du CET (seule la fraction excédant 24 jours ouvrables peut alors être utilisée).
NB : A la différence du CET, les CP non pris sont valorisés dès leur affectation sur le PERE-CO selon les règles prévues en matière d'indemnité de congés payés. Cette monétisation ne peut pas être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait travaillé.
Quel régime social ?
Pour le CET :
Les jours de congés payés stockés sur un CET sont à traiter comme un élément de salaire :
- soit au moment du versement des indemnités compensatrices, lorsque le CET est utilisé pour financer un congé
- soit au moment du versement du complément de rémunération, si le CET est utilisé à cet effet (pour les jours de CP stockés au-delà de la 5ème semaine de CP).
En pratique, ces sommes sont assujetties à l'ensemble des cotisations (CSG et CRDS incluses).
Pour le PERE-CO :
Les sommes affectées au PERE-CO bénéficient d'un même régime social de faveur. Même si l'article L.3334-8 du code du travail, prévoyant ledit régime, n'a pas encore été mis à jour, il semble logique que ces sommes ouvrent droit au même régime social de faveur que celui prévu dans le cadre de l'ancien PERCO.
Sous cette réserve, ces sommes sont, à notre sens, exonérées des cotisations salariales et patronales d'assurance maladie, d'assurance vieillesse et d'allocations familiales (art. L. 242-4-3 CSS).
L'ensemble des autres charges reste dû (cotisation AT/MP, FNAL, versement mobilité, etc.).
Ces sommes ne sont pas assujetties au forfait social dans la mesure où ses conditions de mise en œuvre ne sont pas réunies (Circ. ACOSS 2012-85 du 16 août 2012, QR n° 9).
Financer un congé sabbatique/création d'entreprise ultérieur ?
Les salariés qui envisagent de prendre un congé pour création d'entreprise ou un congé sabbatique ont la possibilité de reporter la cinquième semaine de congés payés (Art. L.3142-120 C trav). Il est possible de capitaliser les CP non pris pendant 6 ans, ce qui fait un total de 36 jours ouvrables (ou 30 jours ouvrés).
Les jours de CP ne sont pas valorisés au moment de la capitalisation mais lors du départ effectif en congé. Ainsi, à la date de départ en congé, le salarié reçoit une indemnité compensatrice qui correspond à l'ensemble des congés payés stockés dont il n'a pas bénéficié, sur la base de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait travaillé.
Cette indemnité a la nature de salaire et est donc assujettie à l'ensemble des cotisations sociales.
Faire don d'une partie de ses congés
Un salarié peut faire don des jours de congés payés au profit :
- d'un autre salarié de l'entreprise qui assume la charge d'un enfant âgé de moins de 20 ans atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants ;
- d'un autre salarié de l'entreprise dont l'enfant, âgé de moins de 25 ans, est décédé.
Seuls peuvent faire l'objet d'un don les jours de congés payés excédant 24 jours ouvrables.
Le salarié doit obtenir l'accord de l'employeur pour effectuer ce don.