Travail à temps partiel : l'écrit, une exigence légale
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Temps plein à défaut d'écrit sauf preuve contraire du temps partiel
L'absence de contrat à temps partiel écrit emporte comme conséquence première que la relation de travail est présumée être un contrat à temps plein. C'est ainsi que, dès 1987, la Cour de cassation précisait que l'absence d'un écrit constatant le temps partiel a " pour seul effet de faire présumer que le contrat a été conclu pour un horaire normal " (Soc 14-05-1987 n°84-43829).
En l'occurrence, l'employeur avait pu établir que les horaires de travail avaient été communiqués à la salariée et étaient affichés en permanence sur les lieux de travail ; le conseil de prud'hommes, suivi par la Cour avait donc écarté la présomption de temps plein, et avait validé le temps partiel.
C'est d'ailleurs en s'appuyant sur l'exigence de l'écrit que la Cour de cassation avait reconnu le caractère réel et sérieux d'un licenciement, le salarié ayant refusé de signer un avenant écrit régularisant le temps partiel, jusque là verbal (Soc 12-05-1993 n°89-45748).
Dans cette affaire, le conseil de prud'hommes s'était borné à constater que le salarié n'avait aucune obligation de signer un contrat écrit en remplacement d'un contrat verbal, ce que la Cour n'a pas admis.
Enfin, dans une affaire de 2008, la Cour de cassation aborde la question de la novation d'un contrat de travail lorsqu'aucun avenant écrit n'a été signé.
Elle a d'abord précisé que la novation du contrat ne se présume pas et ne peut résulter de la seule volonté de l'employeur.
Elle a décidé ensuite que le fait qu'un salarié, qui n'a signé aucun avenant au contrat de travail le liant à son employeur, ait accepté de devenir salarié à mi-temps d'une autre entreprise dirigée par ce même employeur ne permettait pas d'en déduire qu'il avait accepté la réduction unilatérale de son salaire (Soc 9-01-2008 n°06-44522).
Il ressort de ces premières décisions que si l'écrit n'est pas exigé sous peine de requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein, il est néanmoins fortement conseillé compte tenu de la difficulté qu'on pourrait rencontrer pour en apporter la preuve par d'autres moyens.
Preuve contraire strictement contrôlée par les tribunaux
Selon les termes de l'article L 3123-14 du code du travail, le contrat à temps partiel écrit doit mentionner, notamment, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, sauf exception.
Quels éléments de preuve l'employeur peut-il produire ?
Dans l'affaire de 1987, l'employeur avait pu établir qu'il avait communiqué les horaires au salarié et qu'ils étaient affichés en permanence sans être contredit, ce que la Cour avait considéré comme preuve suffisante.
Dans l'affaire de 2008, l'employeur avait tenté de s'appuyer sur l'acceptation d'un mi-temps dans une des sociétés pour établir le temps partiel dans la seconde, ce que la Cour avait rejeté en présence d'une novation de contrat.
Le 9 janvier 2013, la Chambre sociale de la Cour de cassation s'est prononcée dans un litige concernant un salarié sous contrat à durée déterminée à temps partiel.
La cour d'appel de Paris (15-02-2011) avait accueilli la demande de requalification en temps plein, en considérant que les mentions figurant à la fois sur le contrat et sur les bulletins de salaire n'étaient pas contestées, que les planifications du personnel étaient généralement réalisées d'une semaine à l'autre selon un tableau prévisionnel, ce dont il se déduisait que le salarié pouvait prévoir quel serait son emploi du temps.
Dans sa décision du 9 janvier 2013, la Haute cour rappelle d'abord les strictes exigences de l'article L 3123-14 précité : le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail.
Elle en déduit que l'absence d'écrit fait présumer un temps complet et que l'employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part que le salarié n'est pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il doit travailler, enfin qu'il n'a pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
Or, appliquées au cas d'espèce, ces preuves n'étaient pas rapportées, ou, du moins, constatées par la cour d'appel qui aurait du requalifier ce contrat en contrat à durée déterminée à temps complet.
Soc 9-01-2013 n°11-16433

Exigence identique pour un avenant au contrat à temps partiel
Si la position de la Cour de cassation est fixée depuis longtemps pour le contrat ou l'avenant initial de temps partiel, à notre connaissance, aucune décision n'était intervenue sur l'avenant de renouvellement ou de modification.
C'est chose faite depuis le 20 juin 2013 dans une affaire concernant un professeur d'école technique recruté sur la base de 43 heures mensuelles pendant plusieurs années. Puis, sans qu'aucun avenant n'ait été signé, ses bulletins de salaire sont établis pour une durée de 91 heures mensuelles.
Débouté par la cour d'appel de Montpellier le 12 mai 2010, l'employeur forme un pourvoi au motif, notamment, que si l'écrit est exigé pour le contrat de travail à temps partiel, il ne l'est pas pour un avenant modifiant le temps de travail.
La réponse de la Chambre sociale est on ne peut plus claire :
" cette exigence légale d'un écrit s'applique non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition ".
S'appuyant sur l'article L 3123-14 précité, elle considère que, en l'absence d'écrit, l'employeur devait rapporter la preuve d'une part de la durée exacte de travail hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part de la possibilité pour le salarié de prévoir son rythme de travail, enfin du fait que celui-ci n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.
Or, selon la cour d'appel de Montpellier suivie en cela par la Cour de cassation, l'employeur ne rapportait pas les éléments de preuve nécessaires pour écarter la présomption de travail à temps plein.
Soc 20-06-2013 n°10-20507

Une conséquence dangereuse pour les entreprises : le risque du travail dissimulé
On peut d'ailleurs se demander quels éléments auraient été susceptibles d'écarter cette présomption.
Peut-on en conclure que la preuve du temps partiel convenu sera impossible à rapporter en l'absence d'écrit ?
S'il en était besoin, ces décisions viennent rappeler l'importance du formalisme dans le contrat de travail à temps partiel : l'écrit est non seulement nécessaire, mais quasiment obligatoire.
D'autant qu'une conséquence très grave pour l'entreprise pourrait résulter d'un contentieux fondé sur l'absence de contrat ou d'avenant écrit : la condamnation pour travail dissimulé.
S'agissant d'une infraction pénale qualifiée de délit, l'intention doit être établie et constatée par le juge pour qu'il puisse condamner pour prononcer cette condamnation.
Or cette conséquence a bien été tirée dans l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier confirmé par la Cour de cassation le 9 janvier 2013.
En effet, celle-ci, après avoir affirmé le pouvoir souverain de la cour d'appel dans l'appréciation du caractère intentionnel de la dissimulation d'heures de travail, constate que celle-ci " n'a pas déduit ce caractère intentionnel de la seule absence de mention de certaines heures de travail sur les bulletins de paie, mais qu'elle a constaté que cette intention résultait nécessairement de la mention pendant plusieurs années, sur ces bulletins, d'un nombre d'heures très inférieur à 151,67 heures chaque mois ".
Cette lettre est réalisée par : Hélène Bernier, Véronique Baroggi
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