Amazon : après le e-commerce, la publicité en ligne
Au mois de septembre dernier, les 3 marques de la régie publicitaire d'Amazon se sont regroupées sous la bannière d'Amazon Advertising. Ce qui pourrait être interprété uniquement comme une simplification des offres, traduit en fait d'immenses ambitions d'Amazon. Celui-ci ne manque pas d'atouts dans ce domaine : données achats des clients, ciblage de consommateurs en phase de préachat, position déjà dominante dans le e-commerce. Amazon va-t-il devenir un nouveau géant de la publicité en ligne ?
Un marché en croissance continue
Depuis des années, la part du digital sur le marché de la publicité n'a cessé de croître. Elle représente en France plus de 39% des investissements médias (devant la TV, 27,4%), selon l'Observatoire de l'e-pub*. Sur l'année 2017, le marché français de la publicité digitale a atteint plus de 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires net*. Les investissements mondiaux se sont élevés à plus de 232 milliards de dollars en 2017, selon eMarketer. Google et Facebook (et Alibaba pour la Chine) se taillent la part du lion. Le même institut d'études prévoit pour 2022 des dépenses publicitaires digitales s'élevant à 427 milliards de dollars.
Amazon sait ce que vous avez acheté
La personnalisation et le ciblage toujours plus fins grâce aux données sont la spécificité de la publicité digitale. L'or noir actuel, c'est bien ce big data. Amazon, en tant que support publicitaire, ne pouvait passer à côté de ce fabuleux marché plus rentable encore que le e-commerce. Dès 2012, Marcus Wohlsen dans Wired écrivait : " Facebook sait qui sont vos amis. Google sait ce que vous souhaitez trouver sur Internet. Amazon sait ce que vous avez acheté et a une assez bonne idée de ce que vous voudrez peut-être acheter ensuite "**. L'e-commerçant a donc un argument supplémentaire. Il se situe à une étape plus avancée que Google et Facebook puisque sa publicité touche le consommateur en phase d'achat et non plus seulement en phase de réflexion ; avec un taux de transformation plus probable et un lien de cause à effet entre la publicité et l'acte d'achat beaucoup plus vérifiable. Même si la part du chiffre d'affaires publicitaire d'Amazon est encore loin d'atteindre celui de Google et Facebook, celui-ci croit d'année en année.
Les e-commerçants valorisent leurs données
Depuis plusieurs années déjà, d'autres sites de e-commerce ont conscience d'avoir une audience, des données de ciblage susceptibles d'intéresser les annonceurs et ont organisé une activité de régie. Le Bon Coin a créé sa régie en interne dès 2012. Le leader des petites annonces veut faire profiter les annonceurs de " la puissance du site " pour " communiquer auprès d'une audience captive en phase d'achat " avec des offres nationales comme locales. Depuis près de 10 ans, Rue du Commerce (groupe Carrefour) a renforcé sa régie interne. Rakuten France a lancé la sienne cet été.
Les distributeurs traditionnels aussi
Parallèlement aux pure players, les acteurs traditionnels ont eux aussi internalisé leur régie ; Auchan avec Imediacenter, Carrefour avec Carrefour Média et plus récemment E.leclerc avec Consorégie. Ces régies vendent le point de vente comme média du dernier mètre du parcours d'achat, qu'il soit physique ou digital ; celui-ci comprend notamment les médias in store ou l'affichage digital dans le centre commercial associé à l'enseigne, le site e-commerce ou drive. Grâce aux données transactionnelles des porteurs de cartes de fidélité, l'annonceur peut acheter de la publicité ciblée sur les mailings adressés ou sur les newsletters ; et bien sûr au sein du site e-commerce, il peut pousser ses offres promotionnelles, valoriser les nouveautés ou, avant que le shopper ne valide son panier, mettre en avant ses produits (à l'instar des magasins, près des caisses). Citons aussi l'exemple de RelevanC, du groupe Casino, qui se positionne plus comme une plateforme de data consommateurs que comme une régie.
La concurrence sur le marché de la publicité digitale de la part de Facebook, Google et des acteurs de la distribution est donc bien présente face à Amazon et sa part de marché publicitaire reste encore minoritaire. Aux USA par exemple, elle est de 4,1 % et l'e-marchand reste loin derrière Facebook et Google (60 % à eux 2). Mais ce pourcentage est en constante augmentation. Ses ambitions sur ce terrain sont claires et quand on connait la puissance d'Amazon…
* 19ème et 20ème édition de l'Observatoire de l'e-pub e-SRI, PwC, UDECAM (janvier 2018 et juillet 2018).
**"Amazon's Next Big Business Is Selling You" Marcus Wohlsen. Wired. 16 octobre 2012.