Coronavirus : force majeure et exécution des contrats
, Jean-pierre Goncalves
Face à la pandémie COVID 19, SVP vous propose de revenir sur l’exécution des contrats. L'épidémie constitue-t-elle un cas de force majeure ? le professionnel doit-il être tenu d'indemniser les clients en cas de retard de livraison ?
Dans le cadre d'une vente à un consommateur, le professionnel peut-il être tenu d'indemniser les clients en cas de retard de livraison ?
Le retard dans l'exécution de ses obligations contractuelles, constitue en principe une faute engageant sa responsabilité dès lors qu'elle cause un préjudice au client.
Encore faut-il toutefois que ce retard ne soit pas dû à un cas de force majeure. Or la propagation du coronavirus pourrait, au moins dans certains cas, constituer un événement de force majeure, qui exonère le professionnel de toute responsabilité, donc de toute obligation d'indemnisation.
En cas de force majeure, le prestataire qui n'a pas exécuté la prestation doit-il rembourser les acomptes perçus ?
L'effet de la force majeure est d'exonérer la personne défaillante de toute responsabilité. Cela signifie qu'elle ne peut se voir réclamer le versement d'une quelconque indemnité.
En revanche, cela n'a pas pour effet de permettre au prestataire de conserver le prix d'une prestation non exécutée ou d'une chose non livrée. En cas d'exécution partielle, il conviendra de calculer le prorata du prix correspondant à ce qui a été exécuté.
Est-il possible de prévoir qu'une épidémie sera sans effet sur l'exécution du contrat ?
Les parties à un contrat peuvent parfaitement modifier la définition de la force majeure donnée par l'article 1218 du Code civil. Une clause conventionnelle peut étendre, restreindre ou même lister les événements constitutifs de la force majeure.
Il est également admis de renoncer au bénéfice de la force majeure dans le contrat. Ainsi, il est envisageable de prévoir au contrat qu'une épidémie liée au coronavirus ne constitue pas un cas de force majeure et sera sans effet sur l'exécution du contrat.
L'annulation d'une vente ou d'une prestation en raison de l'épidémie donne-t-elle droit au remboursement du prix ?
Dans l'hypothèse où l'épidémie serait reconnue comme constituant un cas de force majeure, au sens de l'article 1218 du Code civil, cela n'exonère pas le professionnel de ses obligations de remboursement en cas d'annulation.
L'annulation d'une vente ou d'une prestation donne donc droit au remboursement du prix et même à l'octroi de dommages-intérêts, si l'épidémie n'est pas reconnue comme cas de force majeure.
L'épidémie permet-elle à un distributeur d'annuler une commande ?
Dans le cas où la force majeure est constatée, celle-ci est exclusive de toute responsabilité et peut libérer le débiteur de l'obligation de payer.
Selon les articles 1218 alinéa 2 et 1351 du Code civil, la force majeure libère le débiteur de son obligation. Pour qu'il en soit ainsi, l'empêchement d'exécuter doit être définitif. Si l'empêchement n'est que temporaire, l'exécution de l'obligation est simplement suspendue.
En dehors du cas de la force majeure ou d'une disposition contractuelle le permettant, il n'est pas possible d'annuler une commande.
L'épidémie peut-elle justifier des retards de livraison par un fournisseur ?
L'article 1610 du Code civil indique que le vendeur est tenu de procéder à la délivrance de la chose vendue en respectant le délai fixé dans le contrat, ou, à défaut, dans un délai raisonnable.
Par conséquent, en cas de non-respect de son obligation contractuelle ou à raison d'un retard dans l'exécution de celle-ci, le fournisseur pourra être condamné au paiement de dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi par son cocontractant, sauf s'il justifie que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Ainsi, si l'épidémie constitue un cas de force majeure (événement reconnu imprévisible et irrésistible), cela permettra au fournisseur de justifier ses retards de livraison. Il sera exonéré de toute responsabilité, quelque soit le préjudice subi par son client qui ne pourra prétendre à des dommages-intérêts.
Dans le cas contraire, le fournisseur ne saurait se retrancher derrière l'épidémie pour justifier un retard de livraison et sera susceptible de payer des dommages et intérêts.
La peur de l'épidémie peut-elle justifier l'inexécution de ses obligations contractuelles ?
En cas de non-respect de son obligation contractuelle ou à raison d'un retard dans l'exécution de celle-ci, le débiteur pourra être condamné au paiement de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi par son cocontractant, sauf s'il justifie que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
La force majeure, telle que définie à l'article 1218 du Code civil, est un événement irrésistible et imprévisible empêchant l'exécution de ses obligations contractuelles par son débiteur.
Par conséquent, la peur de l'épidémie ne saurait justifier l'inexécution du contrat car ce sentiment subjectif de peur, même justifié, ne pourrait constituer un cas de force majeure.
Les retards de délai de livraison dus à l'épidémie du coronavirus peuvent-ils donner droit à indemnisation ?
Le respect des délais de livraison est une obligation contractuelle dont l'inexécution peut donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, sauf en cas de force majeure.
Par conséquent, si l'épidémie est reconnue comme constituant un cas de force majeure, cela exonère le débiteur de toute responsabilité, quelque soit le préjudice subi par son cocontractant qui ne pourra prétendre à des dommages-intérêts.
Est-il possible d'obtenir des dommages-intérêts suite à l'inexécution d'un contrat ?
Dans l'hypothèse où le coronavirus est considéré comme un cas de force majeure, ce dernier exonère le débiteur de toute responsabilité pour inexécution de ses obligations, quel que soit le préjudice subi par le créancier, celui-ci ne peut pas prétendre à des dommages-intérêts.
Si la force majeure n'est pas retenue ou que l'épidémie liée au coronavirus est exclue contractuellement de la notion de force majeure, le cocontractant qui n'a pas exécuté son obligation est susceptible de payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
L'épidémie constitue-t-elle un cas de force majeure, susceptible de justifier l'inexécution du contrat par les parties ?
L'article 1218 du Code civil dispose que "il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur."
Par conséquent, si l'épidémie est considérée comme constituant un cas de force majeure, cela permettra aux entreprises de s'exonérer de toute responsabilité et de ne pas exécuter leurs obligations contractuelles.
De plus, il est nécessaire de distinguer si l'empêchement d'exécuter le contrat est temporaire ou définitif. En cas d'impossibilité temporaire d'exécuter les obligations contractuelles, le contrat sera suspendu ; si cet empêchement est définitif, le contrat sera résolu de plein droit.
Pour les contrats passés avant la propagation du virus, ce dernier pourrait être considéré comme un cas de force majeure, dans la mesure où les conditions d'imprévisibilité et d'irrésistibilité sont réunies.
Pour les contrats passés plus récemment, il est peu probable que le critère d'imprévisibilité soit retenu ; tel avait été le cas pour la grippe H1N1 où les juges français avait refusé de qualifier de force majeure cette épidémie qui avait été largement annoncée et prévue.
Les entreprises doivent donc poursuivre leur activité et exécuter leurs obligations contractuelles, au risque de voir leur responsabilité engagée.
Rien n'empêche les parties de prévoir dans leurs contrats des clauses définissant avec précision ce qu'elles reconnaîtront comme un cas de force majeure.
Lorsque le débiteur d'une obligation contractuelle est personnellement affecté par le virus, cela constitue-t-il un cas de force majeure justifiant l'inexécution du contrat ?
L'article 1218 du Code civil définit la force majeure en matière contractuelle comme un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêchant l'exécution de son obligation par le débiteur.
La jurisprudence a considéré que la maladie d'un débiteur l'empêchant d'exécuter son obligation contractuelle constituait un cas de force majeure, aux motifs que "l'incapacité physique résultant de l'infection et de la maladie grave survenues après la conclusion du contrat présentait un caractère imprévisible et que la chronologie des faits ainsi que les attestations relatant la dégradation brutale de son état de santé faisaient la preuve d'une maladie irrésistible."
Il est donc fort probable que dès lors qu'un débiteur est personnellement affecté par le virus, cet empêchement soit considéré comme un cas de force majeure justifiant l'inexécution de ses obligations contractuelles. Les juges devront néanmoins apprécier si les effets de cet empêchement peuvent être évités par des mesures appropriées, comme le prévoit l'article précité.