Internet : vers une hyper-personnalisation des contenus
Jusqu'ici, la personnalisation sur Internet concernait essentiellement la publicité, de mieux en mieux ciblée et individualisée, et le e-commerce. La progression des algorithmes et du Big Data va permettre une individualisation de plus en plus fine des contenus, y compris éditoriaux. Les pages d'un même site seront différenciées et adaptées à chaque internaute.
Après la personnalisation de la publicité, celle des contenus
La publicité comportementale, contextuelle et personnalisée, s'est largement répandue. (Notamment grâce aux techniques du retargeting* et du RTB*). Nous générons des données auprès des sites en naviguant sur le Web. De plus les algorithmes se perfectionnent. Ces deux facteurs combinés vont permettre une personnalisation de plus en plus fine, non plus seulement de la publicité mais du site web en son entier. Ainsi chaque lecteur, chaque internaute consultera une page d'accueil qui lui sera spécifique, même s'il s'agit du même site. Il aura accès à des contenus différenciés en fonction de son profil, de son comportement de navigation, de sa géolocalisation et éventuellement de son appartenance à une catégorie sociodémographique.
Le e-commerce le pratique déjà
Ces techniques sont déjà répandues sur les sites de e-commerce, notamment par le biais de la recommandation. De plus en plus de sites de l'Internet marchand actualisent en continu leur site et ses pages, au fur et à mesure de la navigation de l'internaute. Un des pionniers en la matière a été Amazon. Le géant du Web se sert des informations stockées lors de visites ou d'achats antérieurs de l'internaute, de son comportement de navigation, du profil similaire d'autres internautes. Il peut alors lui proposer des produits proches ou complémentaires, adaptés à son comportement. Ainsi une même page d'Amazon, selon qu'elle soit ou non personnalisée, ne propose pas les mêmes produits.
Dans le même ordre d'idées, le site de réservation de restaurants LaFourchette a investi dans ces technologies pour, dans un premier temps, proposer des recommandations personnalisées mais, au-delà, aller vers une personnalisation accrue.
Les acteurs du Web investissent
Petits comme grands acteurs du Web, e-commerce comme éditeurs de presse investissent en ce sens. Déjà les requêtes sur Google ne donnent pas toujours le même résultat selon l'ordinateur qui interroge. Ces techniques intéressent des fonds d'investissements. Sillage, start-up basée à Rennes, propose des logiciels permettant de personnaliser du contenu en fonction du profil et du comportement de l'internaute ou du client, y compris en temps réel. La société a levé 360 000 euros auprès de Kima Ventures, fonds détenu entre autres par M Xavier NIEL, patron de Free.
Un média par lecteur ?
Au-delà de la recommandation, c'est le contenu éditorial des pages qui sera de plus en plus différencié selon l'internaute. AOL, propriétaire du média en ligne Huffington Post, a acquis au début de l'année Gravity, spécialiste des technologies de personnalisation. Cette société a travaillé entre autres pour le site du journal USA Today. L'éditeur du New York Times réfléchit depuis plusieurs années à la fourniture possible de contenus différents à partir, entre autres, de la géolocalisation du lecteur.
Les contenus seront donc de plus en plus personnalisés pour le bonheur de l'internaute, qui lira ce qu'il souhaite, celui de l'éditeur et de l'annonceur, avec une audience plus attentive et un taux de transformation augmenté.
Le risque d'enfermement
Mais n'y-a-t-il pas un risque d'enfermement de l'internaute dans un seul type de contenu, ne permettant plus à celui-ci de découvrir autre chose par le fait du hasard (sérendipité). Cette individualisation à outrance ne risque-t-elle pas de créer des effets ghettos ou communautaires ? Ou d'un point de vue simplement commercial, une lassitude et une fermeture du consommateur à d'autres contenus et produits ? Une première parade a été trouvée par l'amélioration continue des algorithmes, là aussi ; en effet ceux-ci permettent d'introduire une dose de recommandation ou de contenu de façon aléatoire. Ils réintroduisent ainsi une part de hasard, dans les propositions et affichages.
La confidentialité des données
Plus compliqué encore est le problème de la confidentialité des données. L'internaute prend conscience progressivement que ses données sont utilisées, souvent à son insu. Il peut avoir le sentiment, plus ou moins justifié, d'être épié. Ce problème devra être pris en compte par tous les acteurs, car non seulement le législateur y veillera, mais des parades sont et seront aussi trouvées par les internautes. L'internaute sera d'autant prêt à livrer des données le concernant, qu'il sera consentant et qu'il y trouvera un bénéfice, dans le cadre d'une relation gagnant-gagnant.
*retargeting : reciblage publicitaire.
**RTB : Real Time Bidding (enchères en temps réel).