La communication dans le monde d'après
, Stéphane Chen
Le marché de la communication est bien parti en 2019 mais sa dynamique a été stoppée par la crise sanitaire liée à la Covid-19. Les investissements publicitaires ont fait une chute libre. Cependant une partie des annonceurs grands ou petits ont continué à communiquer pour préserver leur notoriété et leur image, en adaptant leur communication. Même si la crise n'est pas terminée, on peut déjà se demander comment va se dérouler l'après. Faudra-t-il communiquer autrement ? Et comment ? La façon de communiquer reposera notamment sur des tendances déjà présentes avant et que la crise n'aura fait qu'amplifier.
L'année 2019 a été un assez bon millésime pour le marché de la communication. Les recettes publicitaires nettes totales du marché publicitaire ont été en hausse de 2,6% par rapport à 2018, selon le baromètre France Pub-Irep-Kantar. Bien sûr, le tableau est contrasté entre le digital, toujours en forte hausse, et la presse écrite toujours en baisse (- 4,1%), même si celle-ci se rattrape avec le numérique. Sur le marché des médias, la percée d'acteurs comme le réseau social Tik Tok ou la plateforme de jeux vidéos Twitch s'est confirmée.
Pendant
Mais la crise sanitaire est arrivée. " Alors que la période de confinement en France n'a débuté que mi-mars ", indiquent les instituts France Pub-Irep-Kantar, les recettes publicitaires nettes des médias du 1er trimestre 2020 ont déjà eu une baisse de 12,6% par rapport au 1er trimestre 2019. Au 1er mai 2020, les mêmes instituts ont prévu une chute de 23 % du marché de la communication pour 2020 "sous réserve de la réouverture quasi-complète de l'économie en septembre ".
Des audiences tv records, des investissements publicitaires en chute
De nombreux annonceurs ont boudé les médias classiques dont la télévision. Et pourtant, la télévision a battu des records d'audience pendant le confinement. Deux déclarations du président Macron ont réuni plus de 35 millions de téléspectateurs chacune, selon Médiamétrie, et les audiences des JT ont bondi. Les tournages étant suspendus, les TV ont multiplié les rediffusions avec succès comme " La Grande Vadrouille " ou " Les Tontons flingueurs ". Et les jeunes, qui habituellement boudent la TV, ont, toujours selon Médiamétrie, augmenté leur durée de consommation quotidienne. Les opportunités publicitaires ont été belles.
On objectera que les dépenses contraintes telles que les loyers, les salaires, les charges à payer passent avant les dépenses de communication. Que des chaines de grande distribution comme Leclerc ou Intermarché, restées ouvertes, ont eu plus de raisons de continuer à communiquer. Et quelle était l'utilité de continuer à afficher dans des rues désertes ? Tous ces arguments sont légitimes mais il est également important de préserver sa notoriété et de continuer à cultiver son image.
Communiquer malgré tout
C'est ce qu'ont fait une partie des annonceurs. Ceux-ci ont continué à communiquer en s'adaptant et en délivrant des messages plus appropriés pendant cette période difficile. Ils ont insisté sur leur utilité, sans langue de bois. Ainsi Orange dans un spot TV a admis que même en vidéo, " la technologie [fournie par Orange] ne pourra jamais remplacer la présence de ceux que vous aimez " ; mais l'opérateur explique qu'il nous permet de garder le contact, de communiquer ; et d'afficher les hashtags " RestezChezVous " " OnResteEnsemble ".
Rendre service
Des PME qui n'ont pas les moyens des grands annonceurs ont utilisé d'autres canaux.
Ce matin-là sur l'antenne de RTL, c'est l'heure de l'émission de service de Julien Courbet. Un appel est lancé pour venir en aide à un propriétaire de foodtruck aux abois suite au vol de son groupe électrogène. Une entreprise spécialisée annonce le don d'un groupe électrogène et une entreprise de logistique dit qu'elle l'acheminera gracieusement. Sans rien enlever à la beauté du geste, celui-ci vaudra à ces sociétés de nombreuses citations à l'antenne et sur la page Facebook de l'émission.
De nombreuses entreprises, notamment en B to B, ont gardé le contact avec leurs clients en leur rendant service, en leur fournissant du contenu expert les aidant à faire face à la crise (blogs, newsletters, interventions dans les médias, extraits d'études fournis à la presse…).
Et maintenant ?
A présent, les annonceurs évoquent avec enthousiasme dans leur communication la liberté – avec les mesures protectrices - que le consommateur retrouve progressivement. Ils le félicitent pour tous les efforts qu'il a et fait encore. Ils insistent également sur les précautions sanitaires que les enseignes et marques prennent. L'offre et la publicité évoluent, s'adaptent à nouveau.
Le consommateur va-t-il consommer joyeusement dans l'euphorie de la reprise ? Ou va–t-il épargner prudemment par peur du chômage ou d'un rebond de l'épidémie ? La crise de la dette, les faillites et licenciements annoncés ne vont-ils pas mettre en défaut les plans de communication les plus imaginatifs ?
Amplification de tendances
Que le consommateur soit optimiste ou pas, la communication reposera notamment sur des tendances déjà présentes avant la crise sanitaire :
-la nécessité plus que jamais pour une entreprise de s'interroger sur le sens, sa raison d'être en amont et de l'exprimer dans sa communication ; le consommateur exigera de plus en plus de la part de la marque une démonstration de son utilité.
-le renforcement de la digitalisation. A titre d'exemple, les apéritifs pendant le confinement avec Skype ou Zoom, ou le télétravail ont montré les atouts des réunions à distance. Ainsi Madura, entreprise de décoration d'intérieur, a lancé un service de conseil au client par visio-conférence avec Google Meet.
- la tendance à la consommation de produits plus locaux ou made in France, l'idée des circuits courts devraient sortir renforcés de cette période.
- ce qui n'empêchera pas la promotion classique, étant donné la crise économique, d'avoir encore de beaux jours devant elle.
Les opportunités de communication existent. Il conviendra d'être réactif, adaptable, agile.