La traçabilité par la blockchain est aussi un enjeu marketing
, Stéphane Chen
La blockchain était encore réservée au jargon des informaticiens et des adeptes du bitcoin il y a peu. La traçabilité des produits alimentaires est maintenant un des domaines d'applications de cette nouvelle technologie. Elle est sensée renforcer la sécurité alimentaire, la qualité. Elle devient aussi un nouvel argument de communication. La grande distribution et les marques offrent ainsi de plus en plus de transparence au consommateur sur le parcours du produit qu'il achète. Exemple et explications.
Carrefour annonce une traçabilité par blockchain sur un produit, accessible au client. Que cela signifie-t-il ? Si on suit la chaîne d'approvisionnement pour un produit alimentaire, de nombreux partenaires vont intervenir dans son parcours : le producteur, le transformateur éventuellement, les transporteurs, le grossiste, le distributeur. Les fichiers de blockchain sont comparables à un grand registre ou à une banque de données. Chaque acteur de la chaîne entre les informations et données le concernant ainsi que les caractéristiques détaillées de son intervention sur un grand registre informatique. Puis chacun de ces fichiers va devenir, grâce à la technologie blockchain, infalsifiable. Au bout de la chaîne, on trouve le consommateur.
Le parcours produit dans un QR code
Il peut grâce à un QR code figurant sur l'emballage accéder à toutes les étapes d'élaboration du produit ; et les examiner à la loupe, s'il le souhaite : nom du producteur, localisation de l'exploitation, contrôles qualité, labels, lieux d'abattage, nourriture donnée à l'animal d'élevage ou date et lieu de récolte de l'aliment, de sa transformation éventuelle, d'emballage, circuit logistique, de transports, dates d'arrivée chez le grossiste ou dans le magasin…Ainsi le géant de la distribution avec l'appui technique d'IBM offre à ses consommateurs la traçabilité détaillée sur certains de ses produits de la filière Qualité Carrefour comme le poulet d'Auvergne. Après le poulet ont été inclus dans ce procédé les œufs fermiers de Loué, puis le camembert de Normandie de la même filière qualité Carrefour et plus récemment certains vins et certaines filières bananes. Autre exemple : le partenariat de Carrefour avec Nestlé (et la plateforme IBM Food Trust) pour la purée Mousline. Dans cette opération signée " la transparence, ça se cultive ", l'accès du consommateur à la blockchain permet de confirmer la provenance française des pommes de terre utilisées. Le distributeur a opéré de la même façon avec Nestlé pour certains laits infantiles.
Traçabilité plutôt que garantie absolue
Ainsi le client est rassuré sur la provenance ou les producteurs. Selon les responsables de Carrefour, l'accès possible à ces informations fait augmenter les ventes. Certes on connaît les scandales alimentaires qui ont pu survenir comme la viande de cheval vendue pour du bœuf dans des lasagnes…La blockchain ne garantit pas la véracité du contenu entré par chaque intervenant. Mais les déclarations faites par chacun sont intégrées à un système décentralisé qui les rend infalsifiables. En cas de problème, la traçabilité permettra de voir rapidement son origine et le maillon de la chaîne concerné par le défaut ; plutôt dissuasif pour les acteurs négligents ou tentés par la fraude. Cela responsabilise et engage chaque intervenant. Et rassure ainsi le consommateur.
D'autres acteurs se sont lancés
Le distributeur Auchan a procédé à une expérimentation au Vietnam avec l'appui technique de Te-Food, start-up allemande. Depuis, la chaîne de magasins a appliqué dans d'autres pays dont la France l'usage de cette technologie, permettant de visualiser le parcours " De la graine à l'assiette ". Auchan l'a appliqué à des carottes bio. Ce procédé intéresse également les industriels de l'agro-alimentaire comme Herta du même groupe Nestlé. La marque a présenté son innovation en avant-première au Salon de l'Agriculture. Ainsi très bientôt, les amateurs du jambon " Tendre Noix " pourront scanner un QR code sur l'emballage avec la signature " La transparence, de l'élevage à votre assiette ". Cette technologie blockchain peut trouver d'autres applications en marketing et communication.
La blockchain dans la publicité digitale
Cela pourrait être intéressant en matière d'achat programmatique ; l'achat automatisé d'espaces publicitaires fait intervenir de nombreux intermédiaires technologiques et/ou conseil. L'annonceur et l'éditeur souffrent d'une certaine opacité dans cette chaîne de prestations. Cette technique leur offrirait plus de transparence sur les transactions réalisées, les frais prélevés par les différents acteurs, plus de contrôle des impressions et de la pertinence des sites où les publicités s'affichent. De quoi intéresser là aussi les professionnels de la communication. Mais dans le domaine de la publicité digitale, le process est extrêmement complexe et le volume de données à traiter colossal. Ce n'est donc pas pour demain.