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    Ordonnances " Macron " : télétravail, CDD, CDI de chantier ...

    07 September 2017
    Cette lettre est réalisée par : Amélie Ghesquiere, Catherine Kramar, Véronique Baroggi

    La seconde partie du projet d'ordonnance concernant " la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail " porte sur les modifications des règles de recours à certaines formes particulières de travail. Voici les mesures prévues en la matière. Elles entreront en vigueur dès la publication de l'ordonnance.

    Le télétravail favorisé

    Le télétravail désigne " toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci " (article L.1222-9 du code du travail). Le télétravail doit actuellement être mis en place, comme en dispose le texte, par le contrat de travail de chacun des salariés concernés. Un accord d'entreprise ou de branche peut l'encadrer, mais cela n'est pas une condition d'accès au télétravail.

    Le projet d'ordonnance prévoit que le télétravail régulier devrait désormais être mis en place dans l'entreprise par accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d'une charte élaborée par l'employeur après avis du comité social et économique (article 24), s'il existe. Le contrat de travail ou un avenant au contrat le prévoyant ne serait alors pas nécessaire (mais néanmoins recommandé).

    Le télétravail occasionnel serait quant à lui possible par simple accord entre l'employeur et le salarié, sans formalisme particulier.

    Tout salarié occupant un poste éligible à un mode d'organisation en télétravail pourrait demander à son employeur à en bénéficier, pour faire face à des contraintes personnelles. Le télétravail deviendrait ainsi un droit pour le salarié. En cas de refus, la réponse devrait être motivée.

    Parallèlement, le projet d'ordonnance supprime l'obligation pour l'employeur " de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci ".

    L'ordonnance précise par ailleurs que l'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant les plages horaires du télétravail serait présumé être un accident de travail au sens des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.

    L'encadrement des règles relatives au CDD et au travail temporaire ouvert aux branches

    Aujourd'hui, les dispositions relatives :

    - à la durée totale du CDD ou du contrat de mission ;

    - au nombre maximal de renouvellements possibles ;

    - au délai de carence applicable en cas de succession de contrats sur un même poste ;

    - aux cas dans lesquels ce délai de carence n'est pas applicable ;

    sont fixées par la loi et il n'est pas possible d'y déroger (articles L.1242-7 et suivants du code du travail ; articles L.1251-11 et suivants du code du travail).

    Le projet d'ordonnance prévoit qu'une convention ou un accord conclu au niveau de la branche pourrait fixer ces principes afin d'adapter la réglementation en la matière à la spécificité de chaque secteur d'activité. La branche pourrait ainsi prévoir qu'un CDD pourra faire l'objet de 4 renouvellements (au lieu de 2 : L. 1242-8 du code du travail, une durée maximale de 2 ans (au lieu de 18 mois en principe : L.1242-8 du code du travail). A défaut de stipulations conventionnelles sur ces points, les dispositions légales s'appliqueraient (article 25 à 32).

    Ces nouvelles dispositions s'appliqueraient aux contrats conclus postérieurement à la publication de l'ordonnance.

    Le contrat de génération supprimé

    Le contrat de génération est un dispositif visant à l'insertion durable des jeunes dans l'emploi, au recrutement et maintien en emploi des seniors, et à la transmission de compétences dans l'entreprise. Il s'agit d'un thème de négociation obligatoire dans les entreprises de 300 salariés et plus. Dans les entreprises de moins de 300 salariés, il permet de bénéficier d'une aide financière de l'Etat en recrutant un jeune de moins de 26 ans en CDI et en maintenant en emploi un senior (de 57 ans et plus) ou en recrutant en CDI un senior de 55 ans et plus.

    Ce dispositif serait supprimé, tant en tant que thème de négociation obligatoire que de dispositif d'aides financières (articles 9 et 10). Néanmoins les aides prévues aux articles L. 5121-17 à L. 5121-21 du code du travail et dont la demande a été formulée par l'entreprise avant la parution de ladite ordonnance sont versées dans leur intégralité.

    Le CDI de chantier ou d'opération élargi

    Actuellement, le CDI de chantier n'est pas encadré par la loi. On peut y recourir dans tous les secteurs où sont habituellement organisés des " chantiers ". Certaines branches ont déjà encadré ce type de contrats (bâtiment, bureaux d'études). La loi n'encadre que le " licenciement pour fin de chantier ". L'article L1236-8 du code du travail dispose en effet que " le licenciement qui, à la fin d'un chantier, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l'exercice régulier de la profession, n'est pas soumis aux dispositions du chapitre III relatives au licenciement pour motif économique, sauf dérogations déterminées par convention ou accord collectif de travail. ".

    Selon le projet d'ordonnance (articles 33 et 34), le recours au CDI de chantier serait possible, outre dans les secteurs où son usage est habituel, dans les entreprises couvertes par un accord de branche définissant les raisons d'y recourir. Cet accord devrait fixer un certain nombre de critères :

    - la taille des entreprises concernées ;

    - les activités éligibles ;

    - les mesures d'information du salarié sur la nature de son contrat ;

    - les contreparties pour les salariés en termes de rémunération et d'indemnité de licenciement ;

    - les garanties en termes de formation pour les salariés concernés.

    L'article L.1236-8 actuel du code du travail sur le licenciement pour fin de chantier serait réécrit pour tenir compte de cet encadrement. La fin du chantier ou " la fin des tâches contractuelles " constituerait toujours un motif spécifique de rupture du contrat, et le licenciement qui interviendrait pour ce motif reposerait sur une cause réelle et sérieuse. La convention ou l'accord collectif de branche devrait prévoir en outre des modalités adaptées de rupture du contrat de chantier ou d'opération dans l'hypothèse où le chantier ou l'opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.

    Ces nouvelles dispositions s'appliqueraient aux contrats conclus postérieurement à la publication de l'ordonnance.

    Le prêt de main d'oeuvre à but non lucratif assoupli

    Le prêt de main à but non lucratif est autorisé et encadré aux articles L.8241-2 et suivants du code du travail. Il requiert notamment l'accord du salarié concerné, une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice " qui en définit la durée et mentionne l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse ". La refacturation doit strictement respecter ce principe sous peine de sanctions pénales.

    Le projet d'ordonnance (article 36) prévoit que les prêts de main-d'oeuvre réalisés entre un groupe ou une entreprise d'au moins 5 000 salariés et une jeune entreprise de moins de 8 ans ou une entreprise d'au plus 250 salariés n'ont pas de but lucratif même si le montant facturé par l'entreprise prêteuse à l'entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires, charges sociales et frais professionnels afférents à l'emploi du salarié mis à disposition. Ce prêt de main-d'oeuvre ne pourrait pas excéder 2 ans.

    Ces dispositions entreraient en vigueur à la date de publication des décrets pris pour son application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

    Le travail de nuit inchangé

    La loi d'habilitation envisageait de sécuriser " le recours au travail de nuit, lorsque celui-ci relève d'une organisation collective du travail, en permettant une adaptation limitée de la période de travail de nuit de nature à garantir un travail effectif jusqu'au commencement et dès la fin de cette période, ainsi qu'en renforçant le champ de la négociation collective dans la définition du caractère exceptionnel du travail de nuit ".

    Or, l'article 35 du projet d'ordonnance se contente de compléter les articles L3122-15 et L.3122-20 du code du travail pour plus de lisibilité, sans les modifier sur le fond.

    Détachement transnational oublié ?

    De même, la loi d'habilitation prévoyait de " modifier la législation applicable en matière de détachement, en l'adaptant aux spécificités et contraintes de certains prestataires accomplissant habituellement leurs prestations en zone frontalière ou intervenant de façon récurrente pour des prestations de courte durée dans des secteurs définis ou dans le cadre d'évènements ponctuels. ". Il était ainsi prévu de simplifier les formalités administratives des entreprises dans ces deux hypothèses. Or, aucun des projets d'ordonnances ne prévoit de mesures en la matière.

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