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    Quelle langue parlez-vous en entreprise?

    08 September 2020
    Cette lettre est réalisée par : Anne-catherine Auzanneau
    , Delphine Guidat
    , Richard Arjoun

    Si Molière avait entendu cette phrase : " Après cette période de crise, retravaillons notre branding et benchmarkons les offres de nos concurrents ASAP. Préparons un rapide brainstorming pour recentrer notre corporate ", qu'en aurait dit cet homme de lettres ? Vous, en revanche, il est probable que vous ayez déjà entendu récemment ce discours …

    La langue de Shakespeare au quotidien

    Tout le monde y participe…..personne n'y coupe. Les anglicismes ont envahi notre langage, dans la vie personnelle comme dans le monde professionnel. Et le phénomène n'est pas nouveau : la loi Toubon, dont l'objectif était de défendre la langue française, a plus de 25 ans.

    Mais comment et pourquoi cet engouement ?

    Une des premières inspirations est l'univers informatique. Le secteur, en effet, n'a cessé d'intégrer des expressions et du vocabulaire anglais (ou franglais). Mais, les domaines " technologiques " ne sont pas les seuls à avoir pratiqué cette " acculturation ". Le marketing - encore plus ces dernières années avec la montée en puissance du marketing web – et le monde des communicants ont aussi propagé les termes anglais dans notre quotidien.

    Sans parler de l' " effet de mode " : le modèle anglo-saxon et surtout américain est très présent dans les médias, les réseaux sociaux, en entreprise – ou plutôt devrions-nous dire du business – et même dans la sphère politique. Qui n'a pas déjà eu participé à une conversation sur les GAFA, les startups ou les millenials ?

    Du signe d'appartenance à l'effet trop plein

    Dans chaque organisation il existe des codes. Et le code du langage en fait partie.

    C'est pourquoi, nous, vous , chacun s'approprie un vocabulaire propre à son entreprise . C'est un signe de reconnaissance, un signe d'appartenance. Il peut même exister au-delà de l'entreprise, dans certaines " corporations " (comme nous l'avons souligné plus haut) sans oublier les start-up.

    Utilisée de manière raisonnable cette novlangue corporate se révèle efficace. Elle fédère, elle permet de mobiliser immédiatement les collaborateurs autour d'objectifs.

    Elle devient un signe d'appartenance au groupe de ceux qui décident ou …de ceux qui aspirent à décider …Une forme de " contagion " apparait ! Plus on emploie un vocabulaire technique, incompréhensible aux " communs des mortels " plus on parait performant !

    Pour autant utiliser avec excès ou de manière inappropriée, il risque d'engendrer un effet de surdosage qui peut vite étouffer les collaborateurs. La mode prend le pas sur le réel !

    Et les effets sont à l'opposé du but recherché, créant des incompréhensions et pouvant même masquer des idées difficiles à clarifier !

    Ne pas adopter le " jargon " génère alors pour les autres initiés une réaction de rejet. Qui a terme va à l'inverse du but recherché. Au lieu de souder la novlangue va diviser voire exclure …

    L' employer , oui, mais avec modération !

    Quelques définitions choisies…..car vous n'y échapperez pas

    Nombreux sont les termes anglais qui sont rentrés dans les mœurs, et auxquels nous ne prêtons plus attention. Tout le monde est désormais coutumier des reportings, des feedback, des briefings et autres process. Mais de nouvelles expressions ne cessent d'apparaître. En voici une sélection :

    Blurring : ce terme vient décrire le phénomène de plus en plus fort de disparition de la frontière entre vie privée et vie professionnelle. Son choix est très imagé, puisqu'il vient de blurred, flou en anglais.

    Mad skills : “competences folles” après les " compétences douces " (soft skills) ? C'est en tout cas, semble-t-il, la nouvelle marotte des recruteurs. En fait, il s'agit de soft skills mais rares, hors du commun et le plus souvent liées à la vie personnelle ou à un parcours professionnel atypique (par exemple, la pratique d'un sport extrême, d'un instrument de musique asiatique, l'engagement bénévole, des reconversions multiples….). Derrière ces éléments d'un CV peuvent se cacher, pour les professionnels des ressources humaines, des savoir-être utiles en entreprise : le goût du défi, la rigueur, la capacité d'adaptation etc…..

    Side project : l'expression est finalement assez claire, elle définit un projet " à côté " ou en parallèle du travail quotidien d'un salarié. Il est parfois créatif, associatif ou entrepreneurial et correspond à une initiative personnelle. L'idée est d'investir un secteur ou une activité plus en lien avec une passion, sans prendre de risque professionnel. C'est souvent la première étape vers une reconversion ou la création d'une activité. Et qui dit " side project ", dit aussi…..

    …Slasher ou slasheur : si la pluriactivité est une composante depuis longtemps du marché de l'emploi en France, notamment pour les travailleurs subissant des temps partiels notamment, slasher relève plus d'un choix. Le slasheur est un actif qui cumule plusieurs emplois (et statuts souvent aussi) : il est salarié en temps partiel dans une entreprise, et développe aussi une activité (pas forcément en lien avec son emploi d'ailleurs) en tant qu'indépendant – ou freelance pour rester dans la tendance. Il est ainsi chargé de communication / (prononcez slash, d'où son nom) DJ / community manager bénévole pour une association….

    Ghosting recrutement : ou comment être ignoré en tant que recruteur. Cette expression vient de l'univers des rencontres amoureuses où le ghosting est une nouvelle tendance. Il s'agit de candidats qui deviennent fantômes, et disparaissent des processus de recrutement, ne répondant plus aux messages des recruteurs. Le phénomène semble surtout se développer dans les secteurs où la guerre des talents fait rage, comme le numérique.

    Extented workforce : là encore cette tendance est le reflet de la pénurie de talents rencontrée dans certaines activités, mais aussi le symbole des évolutions du monde du travail. L'idée pour l'entreprise, derrière cet anglicisme signifiant " main d'œuvre étendue ", est d'aller chercher les compétences et expertises dont elle a besoin, hors de ses murs : se créer son " vivier " d'indépendants, mettre en place des partenariats avec des fournisseurs, des prestataires…

    KPI ou “Key Performance Indicators” : les études et comptes rendus des services marketing en entreprise sont depuis plusieurs années maintenant remplis des " indicateurs clés de performance " - ICP en français. Les KPI sont des éléments chiffrés, défini en amont d'un projet ou d'une campagne, qui permettront d'en évaluer l'efficacité, les retombées ou encore le ROI (Return on investment, autrement dit le retour sur investissement).

    Upskilling : plus " confidentielle " que les KPI et autre " debrief ", l'expression est issue du milieu de la formation professionnelle. Elle désigne une formation permettant au stagiaire de monter en expertise là où il possède déjà une compétence (son métier, son domaine d'activité) …..il s'agit finalement de se perfectionner dans un domaine, par exemple en mutation. L'autre versant de cette tendance du secteur est le " reskilling ". Cette fois, l'objectif de la formation est d'apporter de nouvelles compétences, pour un changement de métier et une reconversion.

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