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    Télétravail : mise en œuvre au mieux de vos intérêts

    28 April 2008

    La France compte environ 7% de télétravailleurs lorsque la moyenne tourne autour de 13% en Europe et de 25% aux Etats-Unis. Cette forme de travail apparaît comme étant à la croisée des intérêts économiques et/ou stratégiques de l’entreprise et des collaborateurs. Elément d’une politique de développement durable pour la première - notamment par la réduction de CO2 - et meilleur équilibre entre vie professionnelle/vie personnelle pour les seconds.

    Concrètement, le télétravail commence souvent par l’addition d’expériences isolées dans l’entreprise. Un bilan informel est fait par le DRH et lorsque l’intérêt de l’entreprise est présent, il n’est pas rare qu’un accord avec les partenaires sociaux soit signé.

    Le télétravail ou travail à distance revêt cependant plusieurs réalités qui peuvent coexister au sein d’une même entreprise.

    Pour sa mise en œuvre de façon durable, il nécessite une réflexion, une démarche et des précautions en raison notamment du risque d’isolement des collaborateurs.

    Définition et cadre juridique

    Pendant plusieurs années, le télétravail n’avait aucun cadre juridique et la seule réglementation du travail à domicile était inadaptée.

    L’accord national interprofessionnel sur le télétravail signé le 19 Juillet 2005 assure la transposition en droit interne de l’accord cadre européen du 16 Juillet 2002. Cet accord, étendu en 2006, est devenu obligatoire pour tous les employeurs des professions représentées par les trois organisations patronales signataires et a vocation à être complété par d’autres accords au niveau de la branche ou de l’entreprise.

    Le télétravail se définit comme «une forme d’organisation du travail et /ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur est effectué hors de ces locaux de façon régulière ».

    De cette définition plusieurs situations se présentent :

    - travail en réseau au sein de l’entreprise mais dans des locaux géographiques distincts dans lesquels se trouvent des managers

    - télétravail pour son entreprise dans des locaux partagés par plusieurs entreprises

    - télétravail nomade à l’instar des commerciaux, télétravail à domicile ou télétravail pendulaire (avec des temps de présence plus ou moins fréquents dans l’entreprise)

    A titre d’illustration, l’accord signé chez Renault (22/01/2007) prévoit un temps de télétravail à domicile de deux à quatre jours maximum : un jour de la semaine, au moins, est effectué sur le lieu de travail habituel.

    Le télétravailleur bénéficie des mêmes droits et avantages légaux ou conventionnels que les autres salariés. Le recours au télétravail est volontaire et réversible, tant pour l’entreprise que pour le salarié.

    Pour accompagner la réussite du télétravail, Alcatel-Lucent, équipementier télécoms et réseaux (accord du 18/01/2008) a prévu une période d’adaptation de trois mois pendant laquelle chaque partie peut mettre fin au télétravail. Les avenants au contrat de travail des télétravailleurs sont d’un an renouvelable par tacite reconduction.

    La spécificité tient au fait de l’organisation de ce mode de travail qu’il faut préciser dans le contrat :

    Ainsi, dans le secteur des Télécommunications (accord du 06/10/2006) le contrat de travail précise la fréquence des entretiens périodiques avec la hiérarchie et les rencontres avec les autres salariés, les plages horaires où le salarié peut être joint, les règles d’évaluation de sa charge de travail.

    L’accord précité de Renault précise que l’équipement du télétravailleur est fourni, installé et entretenu par l’employeur.

    Chez SNEDA, en cas d’indisponibilité de stocks en matériel de bureau, la société prendra en charge l’achat du bureau en fonction d’un barème défini (accord du 15 décembre 2006).

    Dans le cadre du respect de la vie privée, le télétravailleur a connaissance des plages horaires durant lesquelles le manager peut le contacter (cf accord Alcatel-Lucent).

    Recommandations pour la mise en place du télétravail

    Avant d’envisager une telle organisation du travail, il est souhaitable de faire un double diagnostic :

    - identification des besoins de l’entreprise : souhaits de réduire les coûts immobiliers, de diminuer les temps de trajet, de participer au décloisonnement de territoires, de déterminer des catégories de collaborateurs ou des postes susceptibles d’être concernés, prendre en compte des demandes individuelles

    - évaluation des points forts : gains de productivité, de flexibilité voire de risk management, politique RH…

    - et des points faibles : prise en compte des coûts en investissement informatique et en protection de données notamment, suivi de l’organisation, risque d’isolement et de perte d’efficience …

    Plusieurs points doivent retenir l’attention de l’entreprise qui souhaite recourir au télétravail.

    Il est important de veiller à ce que le télétravailleur ne soit pas isolé mais qu’il reste bien intégré à la collectivité de travail.

    Opération réussie au sein de « Initiatives RH », cabinet de conseil nantais qui ne disposait en 2005 d’aucun bureau, ses collaborateurs étant tous télétravailleurs à domicile. La cohésion d’équipe est au centre de ses préoccupations. Le groupe devient la référence : seuls les chiffres qui intéressent l’ensemble du cabinet sont accessibles via le réseau, aucune donnée individuelle n’y apparaît. Et pour rompre l’isolement : téléphone et courriers électroniques. Des rencontres sont également organisées mensuellement pour un échange d’expériences entre les consultants.

    La formation cimente aussi la culture d’entreprise et est gage de cohésion.

    Elle est ainsi très utilisée au sein de « Jato Dynamics », société de veille concurrentielle spécialisée dans le secteur automobile. Tout télétravailleur suit un stage de formation à l’embauche puis une semaine par an avec les équipes réparties dans le monde entier.

    SNEDA, éditeur de logiciels pour la gestion patrimoniale et employeur de plusieurs télétravailleurs envisage même l’idée d’une «pause café virtuelle» pour recréer une ambiance de travail.

    Sensibiliser les managers aux spécificités du télétravail semble également pertinent.

    Le temps de travail n’étant plus l’indicateur référent pour mesurer la contribution des collaborateurs, il s’agit de développer le management par objectifs et le cas échéant d’accompagner par des formations ou des échanges d’expériences les managers dans ce changement.

    C’est le cas chez Ducker France, cabinet de conseil en marketing industriel, comptant deux télétravailleurs, où le management par projet et par objectifs est la norme.

    Rentabilité par projet ou par client, résultats commerciaux, capacité du télétravailleur à garder le contact avec l’équipe, à donner des idées, sont autant de critères d’évaluation.

    Enfin, la transparence des règles est de mise.

    Outre un contrat de travail complet, élaborer un accord sur le télétravail ou une charte (en y associant les partenaires sociaux) annexée à ce dernier peut être utile. Peuvent y figurer les règles relatives à la prise en charge des frais de déplacement, les avantages octroyés comme les titres restaurant, les procédure de dépannage du matériel... . Un préambule rappelant la ou les motivations de l’entreprise pourra s’avérer intéressant pour définir le cadre du recours au télétravail.

    Selon Jean Emnanuel Ray, Professeur à l’Université de Paris I, «n’est pas télétravailleur qui veut» (Cahiers des DRH décembre 2006) et la réussite de ce mode d’organisation dépend principalement du niveau d’autonomie des personnes et des qualités managériales. Le télétravail, qui peut constituer un accélérateur de la modernisation du travail, s’appuie sur une confiance réciproque entre managers et collaborateurs. Si la stratégie de l’entreprise que décline le DRH s’inscrit dans une démarche de notation RSE*, le télétravail peut être un outil de promotion de la diversité par l’embauche de travailleurs handicapés, de collaborateurs parents de jeunes enfants…

    * La RSE est la déclinaison pour l'entreprise des concepts de développement durable qui intègrent les trois piliers environnementaux, sociaux, et économiques