Un époux commun en biens peut-il être habilité à administrer seul la communauté ?
, Christine Olivier-caillat
, Sydney Azoulay
, Jean-pierre Goncalves
Le principe de cogestion des biens communs prévu par les articles 1421 et suivants du Code civil peut parfois soulever des difficultés, notamment lorsque l'un des époux n'est pas en capacité d'exercer convenablement ses pouvoirs de gestion et d'administration, ou lorsque la mésentente des époux est telle qu'elle aboutit à des actes contraires à l'intérêt de la communauté. Le législateur a prévu une solution à cela en permettant une modification judiciaire des prérogatives portant sur les biens communs.
L'article 1426 du Code civil dispose que "si l'un des époux se trouve, d'une manière durable, hors d'état de manifester sa volonté, ou si sa gestion de la communauté atteste l'inaptitude ou la fraude, l'autre conjoint peut demander en justice à lui être substitué dans l'exercice de ses pouvoirs ".
L'empêchement durable de manifester sa volonté peut résulter tant d'un éloignement physique que d'une altération des facultés mentales ou corporelles de l'époux : dans ce cas, la mise en œuvre de la procédure judiciaire de l'article susvisé pourra dispenser d'ouvrir une mesure de protection des majeurs, telle qu'une mesure de tutelle, si elle permet de pourvoir suffisamment aux intérêts de l'époux.
L'inaptitude ou la fraude dans la gestion de la communauté vise plus spécifiquement un comportement néfaste de l'un des époux. La doctrine estime que l'inaptitude peut résulter d'un comportement non fautif, tel qu'un manque de compétence ou de savoir-faire, mais en pratique la procédure de l'article 1426 vise le plus souvent des comportements répréhensibles. La fraude, elle, implique la volonté de mal faire, l'intention de nuire aux intérêts communs ou aux intérêts du conjoint. Cette hypothèse se rencontre le plus souvent en cas de séparation des époux, antérieurement à la procédure de divorce.
Les conséquences de la mesure judiciaire
La mesure judiciaire de l'article 1426 du Code civil consiste à transférer les pouvoirs de gestion des biens communs de l'un des époux à l'autre : l'époux originairement titulaire est dessaisi de ses prérogatives de sorte qu'il lui est interdit de les exercer ; le conjoint requérant devient le nouvel attributaire des pouvoirs.
La doctrine considère que l'époux judiciairement substitué à son conjoint est personnellement investi des prérogatives auparavant détenues par ce dernier : il agit donc en son nom propre, et non en représentation de son conjoint.
Le transfert peut être total ou partiel, en ce qu'il peut concerner un seul acte particulier par exemple. Les effets du jugement rétroagissent au jour de la demande.
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