Quel est le traitement fiscal des créances irrécouvrables ?
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Lorsque le refus de paiement ou l'insolvabilité du débiteur s'oppose de manière définitive au recouvrement d'une créance, le créancier subit une charge égale au montant hors taxes des sommes non payées car l'entreprise a la possibilité sous certaines conditions, de récupérer la TVA qu'elle a dûment acquittée.
Lorsque la perte de la créance n'est pas encore certaine, mais seulement probable, l'entreprise peut constituer une provision pour créance douteuse.
Le point de savoir si une créance peut être considérée comme perdue à la clôture d'un exercice est essentiellement une question de fait. Il n’est donc pas possible de déterminer avec certitude les différents cas permettant de justifier auprès de l’administration fiscale le caractère irrécouvrable d’une créance.
Le montant hors taxes de la créance irrécouvrable est déductible seulement des résultats (comptable et fiscal) de l'exercice au cours duquel la perte correspondante est devenue définitive.
I- Situations pouvant justifier ou non le caractère irrécouvrable d’une créance.
A- La prescription
Sur le plan comptable, tant que les délais d'action en justice ne sont pas prescrits, il n'est pas possible, en principe, de faire disparaître du bilan une créance (en ce sens, rép. Sergheraert n° 24896, JO 28 avril 1980, AN quest. p. 1743). Ce n'est qu'au terme du délai de prescription que l'entreprise est autorisée à enregistrer en charges sa créance.
Dès lors sur le plan comptable il n’est possible en principe de passer la créance en perte que lorsque le délai de recouvrement possible est éteint, on peut déduire qu’une créance client prescrite devient de facto une charge fiscale possible. Toutefois, afin d’éviter tout risque fiscal il serait prudent de pouvoir justifier des diligences engagées pour le recouvrement (lettre avec accusé de réception, ou assignation, organisme de recouvrement).
B- Débiteur faisant l'objet d'une procédure collective
Une créance ne peut être regardée comme définitivement irrécouvrable au seul motif que la société débitrice fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Mais le risque de non-recouvrement peut justifier la constitution d'une provision pour créance douteuse (En ce sens CE 11-12-1987 n° 46964 et CE 27-3-1991 n° 57777).
Toutefois, dès lors que le plan d'apurement des dettes de la société débitrice en liquidation judiciaire prévoit le règlement de seulement d’une partie de la créance en cause, il est possible de passer une perte à hauteur de la part ne faisant pas partie de la créance exclue du plan d’apurement.
C- Attestation Coface
Aucun élément ne permet d’affirmer qu’une attestation d’irrécouvrabilité émise par l’organisme Coface permette de justifier auprès de l’administration fiscale le caractère irrécouvrable d’une créance. Dans le cas où la société créancière disposerait de ce type d’attestation il serait prudent de pouvoir justifier en sus de diligences engagées pour le recouvrement.
La preuve de l'irrécouvrabilité peut en revanche être apportée par des attestations d'huissier (CE 12-3-1980 n° 7475).
4- Ancienneté de la créance
L'ancienneté des créances (hors prescription) ne suffit pas en principe à établir leur caractère irrécouvrable, lorsque le contribuable n'est pas en mesure de justifier des diligences effectuées en vue de leur recouvrement et de l'insolvabilité du débiteur.
Toutefois, on peut admettre qu’une créance très ancienne (plus de 20 ans) soit logiquement devenue irrécouvrable. En revanche, le montant de la créance irrécouvrable étant déductible seulement des résultats de l'exercice au cours duquel la perte correspondante est devenue définitive, il existe clairement un risque fiscal à le déduire des résultats d’un exercice récent.
II- Irrécouvrabilité d’une créance au regard de la TVA : remboursement de la TVA
A- Notion d’irrécouvrabilité
Le 1 de l'article 272-1 du CGI dispose, en effet, que « la TVA qui a été perçue à l'occasion de ventes ou de services est imputée ou remboursée dans les conditions prévues à l'article 271 du CGI lorsque ces ventes ou services sont par la suite résiliés ou annulés ou lorsque les créances correspondantes sont devenues définitivement irrécouvrables ». L'article 272 du CGI précise également que l'imputation ou le remboursement de la taxe peuvent être effectués dès la date de la décision de justice qui prononce la liquidation judiciaire.
Selon l’administration fiscale (BOI-TVA-DED-40-10-20 n° 40), limputation ou la restitution de la taxe ne peut être obtenue que si le fournisseur ou le prestataire est en mesure de démontrer que sa créance est définitivement irrécouvrable.
Le simple défaut de recouvrement d'une créance à l'échéance ne suffit pas à lui conférer le caractère de créance irrécouvrable, quel que soit le motif du défaut de règlement (insolvabilité, contestation commerciale). La preuve de l'irrécouvrabilité résulte, en effet, du constat de l'échec des poursuites intentées par un créancier contre son débiteur.
Dès lors, les dispositions du 1 de l'article 272 du CGI ne peuvent être invoquées, ni par le vendeur qui a été désintéressé par le commissionnaire ducroire, ni par cet intermédiaire lui-même qui n'est pas fondé à soutenir que la somme versée au commettant revêt le caractère d'une indemnité (RM Boscary-Monsservin n° 11526, JO AN du 26 septembre 1970, p. 4016-4017).
La récupération de la TVA n'est pas liée à la comptabilisation de l'opération. Cela étant, elle correspond normalement au moment où l'entreprise est autorisée à inscrire sa créance à un compte de charge définitif. La constatation d'une « provision pour dépréciation de la créance » ne peut avoir pour effet de permettre l'imputation de la taxe.
En revanche, le versement d'une indemnité par l'assureur-crédit, qui constate l'échec des actions de recouvrement appropriées engagées, qu'elles soient amiables ou contentieuses, permet d'attester du caractère irrécouvrable de la créance, l'assuré constatant par ailleurs, dans ses écritures comptables, l'extinction de la créance et l'enregistrement d'une perte.
Enfin, il est admis, à titre de règle pratique, que la récupération de la taxe puisse intervenir lorsque le créancier établit que son débiteur a disparu sans laisser d'adresse ou que le règlement a été effectué par un chèque vol.
B- Formalisme conditionnant le remboursement
Selon les dispositions expresses du deuxième alinéa du 1 de l'article 272 du CGI « l'imputation ou la restitution est subordonnée à la justification, auprès de l'administration, de la rectification préalable de la facture initiale »
Dans le cas de non-paiement, total ou partiel, d'une facture, le redevable doit envoyer à son client défaillant un duplicata de la facture initiale avec ses indications réglementaires (prix « net » et montant de la TVA correspondante) surchargées de la mention ci-après en caractères très apparents:
« Facture demeurée impayée :
- pour la somme de… € (prix net)
- et pour la somme de… € (TVA correspondante) qui ne peut faire l'objet d'une déduction (CGI art. 272). »
Cette formalité, qui tient lieu de rectification de la facture initiale exigée par l'article 272, 1 du CGI, doit impérativement être respectée.
Cette formalité n’est toutefois n’est pas requise lorsque le redevable peut justifier que son débiteur a disparu sans laisser d'adresse (BOI-TVA-DED-40-10-20 n° 40). Dispense pouvant éventuellement être utilisé en cas de liquidation de la société.